Joyeux Noël

Entrer dans une église, s’effondrer sur un banc, s’y accrocher comme à un radeau. Tête brûlante, corps accablé, mains tremblantes… Ni ivre, ni drogué, simplement épuisé, épuisé de questions, de peurs, d’incompréhensions, de non-sens, de vide… Fatigué de faire semblant, semblant de savoir, semblant d’être sûr, d’être fort, d’être courageux, d’être… C’est quoi ce monde Seigneur, c’est quoi toutes ces conneries, toutes ces saletés, toutes ces souffrances ? Sanglots d’enfance, fragilité néoténique… Et se mettre à prier... Mal, bien sûr, mal, évidemment, car prier pour soi, pour les siens, demander, réclamer… Si peu à offrir, tant à exiger. La Croix n’est pas une béquille.

Mais il fait frais en ces murs immémoriaux, et soudain des notes s’élèvent, un chant se fait entendre, une mère de famille répète les cantiques de la messe de Minuit… Au même instant, une porte s'entrouvre, une lueur étique éclaire le visage du Sauveur, souffrant et apaisé, qui va bientôt, encore un fois, renaître. Au loin, le bruit des bombes et les cris des martyrisés, et sur les pierres antiques se mettent à danser les corps suppliciés, les visages tuméfiés, les gueules cassées de toutes les guerres... Les cris des abandonnés répondent aux louanges, une lutte céleste s’engage entre la beauté et la douleur, entre la vérité et la réalité… Et bientôt plus un bruit, une violente pluie de silence colle au sol les chimères et les fantasmes. Seuls les pas d’un enfant résonnent. Il se dirige vers une statue de Marie, un cierge à la main. Maladroitement, il tente de l’allumer, le fait choir, le ramasse hâtivement, le fixe finalement avec difficulté sur son pic. La flamme chancelante illumine alors son visage barré d’un immense sourire. Un sourire plus grand que les doutes, les échecs et toutes les saletés du monde. Un sourire plus grand que tout. Le sourire de l’amour et de l’espérance.