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A moy que chault!

Crever

10 Février 2015, 00:38am

Publié par amoyquechault.over-blog.com

« Tu pues la mort » me disait un bon camarade. Je lui aurais bien répondu « Et toi tu pues du cul » mais cela aurait peut-être semblé un peu court, un brin puéril. Or nous sommes des gens sérieux, des adultes, avec des bulletins de paye, des loyers et des mutuelles, des vacances au ski, des invitations à des salons et des projets déco, des trucs qui comptent... On a des choses à faire. Les courses et le ménage, bien sûr, mais pas seulement, il y a aussi le parrainage de la petite Aminda du Burkina Faso. Trois crayons de couleurs et deux photos pour s'acheter une bonne conscience, ce n'est quand même pas cher payé... Il faudrait vraiment être un enculé pour s'en priver. Enfin bref, des vies bien remplies. Avec même une petite pipe de temps en temps, si on sait bien négocier. Pas avec la jeune Aminda, hein, ne confondons pas tout ! Humanitarisme et pédophilie, rien à voir. Pour le plan à trois par contre, il faudra continuer à se branler sur Jacquie et Michel en rentrant du bureau... Les gens restent au fond très bourgeois. C'est une question de temporalité, de linéarité… 250 amants à la suite, ça va, mais deux ou trois en même temps c'est pervers, abject... Si tu ne comprends pas, va te faire soigner pauvre taré. De toute façon, ce n'est pas comme ça qu'on construira des « familles traditionnelles » qui incarneront les « valeurs éternelles » et soutiendront efficacement la croissance via les joies et mérites des écoles de commerce et des stages en entreprise. D'ailleurs, si on continue à ce rythme, ce sera bientôt la fin des chaussures bateaux et des balades en bord de mer le pull Saint James noué sur les épaules... Le dernier souffle de la civilisation. Défendons les ruines, les vestiges, les hypocrisies, les vieux tapis trop troués pour camoufler efficacement toutes les saloperies entassées ! Recherchons dans notre « plus longue mémoire» ce que nous sommes désormais incapables de créer, répétons, imitons, singeons ! Masturbons nous indéfiniment dans les cadavres de quelques écrivains fusillés ou suicidés, cette mort là nous excite tellement ! Nous aimons tant la mort lointaine et poétique des autres.

Et si tout ce théâtre, ces palinodies, ces simagrées vous font profondément chier, vous agressent et vous étouffent, vous puez alors la mort, une autre mort, la vraie, la peu glorieuse, la non-romantique, celle, froide, définitive et dégueulasse qui ne brûle pas dans le fracas fantasmé d'une Aston-martin ou dans la grisaille d'un petit matin filmé par Louis Malle...

Il est vrai que la mort, même celle là, ne m'horrifie qu'à l'idée de la peine qu'elle causera à mes parents, les deux seuls crétins bien obligés d'en souffrir et qui, en l'occurrence, n'ont vraiment rien fait pour mériter ça. Peut-être aurais-je dû entamer une psychanalyse pour pouvoir sereinement et confortablement haïr et mépriser mes géniteurs... Mais je n'ai pas eu cette folle audace. J'ai préféré rester le seul et unique responsable du désastre.