Eloge de Patrick W.
En ces temps sanitairement incertains, il n'est pas bon de reporter l'expression de ses sentiments amicaux, reconnaissants ou admiratifs... J'ai toujours pensé – et je crois m'être un peu employé à incarner cette idée – qu'il était important de ne pas attendre les enterrements et les tombeaux pour exprimer ses inclinaisons, ses affections, ses affinités, tout autant que ses détestations, ses haines et ses dégoûts. Il faut affirmer sa pensée à l'heure où ceux à qui elle est destinée, amis ou ennemis, sont encore là pour l' entendre. Les crachats sur les tombes n'ont pas plus d'utilité que les pluies de roses.
La pudeur des hommes les empêchent souvent de se dire les choses, qu'ils puissent au moins les écrire.
Je connais un homme qui tous les matins, à 6 heures, – en fait, il est vrai, deux matins sur quatre – enfile ses gants et son bleu de travail pour accomplir des tâches manuels et utilitaires. Durant sa journée de labeur, il fréquente des gens qui n'ont pas tous lu Chateaubriand, qui parlent fort et se tapent sur les côtes. Il boit des verres avec eux, s'amusent de leurs gauloiseries, en rajoute à son tour. Il est l'un d'entre eux. Il est aussi, par ailleurs, le créateur et l'animateur de ce qui est sans doute la meilleure, la plus riche et plus originale, revue littéraire française. Il ne fait partie d'aucune coterie, n'appartient à aucun salon, n'est invité nulle part, reconnu encore moins... Il n'écume ni le Café de Flore ni la Closerie des Lilas... Mais depuis des années, avec opiniâtreté et abnégation, il s'évertue à défendre farouchement la mémoire des grands noms de notre patrimoine littéraire et à en faire découvrir les jeunes pousses prometteuses... Sans jamais rien oublier, rien renier, de ce qu'il est, de ce en quoi il croit, de l'amour de son pays Messin à son admiration pour Jean-Marie Le Pen, avec l'ouverture d'esprit de ceux qui, justement, sont suffisamment solides sur leurs fondamentaux pour s'aventurer dans des terres inconnues... Son parcours n'est pas simplement incongru, il est improbable. C'est un être adorable et irritant, devenant autiste passé un certain degré d'alcool, un rêveur raisonnable, un pragmatique excessif, le meilleur des hôtes et le plus pénible des camarades à raccompagner tardivement d'un bar, persuadé qu'il est que son « destin » l'autorise à toutes les excentricités et toutes les provocations... C'est mon ami, et j'en suis drôlement fier.