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A moy que chault!

Au théâtre ce soir...

10 Avril 2019, 23:04pm

Publié par amoyquechault.over-blog.com

Un bistrot. Un guéridon. Attablé, une sorte de Romain Duris du pauvre - ce qui n'est pas peu dire -, moitié chiffon, moitié toxico, mais quand même beau gosse, du moins selon les critères du temps. Mal rasé, mal coiffé, mains aux ongles rongés et gantées de mitaines à la con, bref au top de la séduction post-moderne. Le genre de mec qui pense trop et trop intensément pour avoir le temps de prendre une douche ou de passer au pressing... Il est entouré de deux filles mi-moches habillées elles-aussi chez Emmaüs. Pas de doute, ce sont des théâtreux.

Bien qu'elles soient certainement de farouches féministes, les deux donzelles ne disent pas un mot, buvant avec passion les paroles du mâle qui expose sa théorie de la mise en scène. Elles n'en peuvent visiblement plus et l'on s'inquiète un peu de l'étanchéité de leurs simili-boubous.

Il est vrai que la théorie est stimulante et d'une originalité qui ne peut que susciter l'enthousiasme le plus total puisqu'il s'agit de « casser les codes » afin de « mettre en danger  aussi bien les acteurs que les spectateurs. » On en frémit, presque au bord de l'évanouissement admiratif.

La deuxième tournée de pintes de 1664 (« On est bien en happy hour?) aidant, le discours s'enflamme carrément... Le génie des planches se déclare alors favorable à une « inclusion fanatique et intolérante ». Face aux regards bovins et un peu perdus de son auditoire, le théoricien condescend à une brève explication :

  • « Il ne faut pas simplement combattre l'oppression du genre, il faut la retourner et donc, symboliquement, inverser systématiquement la donne et faire jouer tous les rôles masculins du répertoire par des femmes, et vice-versa». Les rôles d'enfants ou d'adolescents étant sans doute confiés à des « trans », fruits glorieux de cette remarquable mutation.

A cette évocation, le visage des deux interlocutrices s'est illuminée, on est clairement à deux doigts de l'orgasme par l'oreille, de l'arrachage de braguette et de la double pipe goulue en terrasse.

Sans doute retenus par des vestiges de pudibonderie bourgeoise, les trois compères finissent néanmoins pas quitter les lieux, les deux demoiselles sautillant joyeusement autour de l'heureux homme qui n'a même pas eu à payer l'addition, celle-ci ayant été, comme il se doit, rigoureusement et équitablement partagée en trois.