Couple
A l'heure où l'homme et la femme sont généralement tous deux contraints d'avoir une activité rémunérée (grâce à la libération de la femme, au progrès, tout ça...) pour survivre à peu près dignement, il est d'évidence normal qu'il y ait une "répartition" des tâches ménagères et d'intendance allouées autrefois à la "femme au foyer". Il s'agit d'une simple adaptation de bon sens. Mais ce qui est vraiment insupportable c'est la vision hautement comptable et sourcilleusement "égalitaire" - dans le sens le plus arithmétique du terme - de celle-ci qui sévit chez un grand nombre de couples où tout devient calculé et où chaque acte accompli doit donner lieu à « compensation » de la part du « partenaire ».
« J'ai fait la vaisselle hier donc aujourd'hui c'est toi... », « Tu es sorti avec tes potes lundi donc j'ai droit à une soirée avec mes copines... », « Tu es sorti du boulot avant moi donc c'est à toi de faire les courses... », « Ok on invite ton copain à dîner ce soir mais donc on va déjeuner dimanche chez Maman... »...
Il n'y a plus rien de gratuit, de naturel, de léger, les discussions conjugales ressemblent à des négociations syndicales. Chacun a sa grille de revendications et coche des cases. Si l'on ajoute à cela le fait qu'il ait été définitivement avalisé que les tâches quotidiennes étaient indignes et dévalorisantes, on obtient cette ambiance lourde et embarrassante où l'invité d'un couple se retrouve plongé dans une sorte de compétition permanente où celui qui « rend service » a perdu, où celle qui fait le café à la demande de son mari se sent humiliée, où l'objectif semble être de montrer à tout prix qu'on n'en fait surtout pas plus que l'autre...
Cela donne ces grands moments d'embarras et d'affliction :
« Chérie, tu ne nous servirais pas un petit digestif ? »
« Pourquoi tu ne sais pas où ils sont rangés ? »
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« Hélène travaille près de l'école donc elle peut chercher les enfants le soir... »
« Oui mais c'est toi qui les emmène le matin ! Et le samedi, matin et soir, car c'est mon jour OFF... ma journée à moi...! »
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« Ha je serais bien parti en juillet à Rome avec vous... »
« Oui mais cette année, c'est Ibiza. C'est toi qui a choisi l'année dernière, cette fois c'est moi... »
Quand le quotidien ressemble à une perpétuelle guéguerre de tranchées entre une harpie en manque de reconnaissance et une couille-molle terrorisée par la solitude et la perspective de devoir se branler 7 jours sur 7 au lieu de 6...