Une lumière s'est éteinte
Une femme qui chante est une parenthèse dans la nuit. Et elle n'était pas une femme qui chante mais LA femme qui chante, mélange de grâce, de sensibilité, de force et de fragilité. Mal habillée, maladroite sur scène, elle semblait toujours empruntée dans un rôle de « pop star » qui n'était pas fait pour elle. Sa voix même, improbable, chaotique et grandiose, n'était pas adaptée à l'époque, pas calibrée, pas attendue, pas conforme... Surgissement soudain de l'âme irlandaise ancestrale, hurlement mélodique d'un peuple martyrisé, mélopée grisante et saisissante... Ses chansons, comme ses idées, étaient anachroniques, et par là aussi enracinées qu'universelles.
Quel est ce monde où une jeune femme belle, riche, talentueuse, mère de famille, catholique, peut finir par mourir, seule, dans une chambre d'hôtel, d'une overdose de médicaments ? Je crois au pouvoir du Diable... Un Diable qui étend chaque jour son emprise sur un monde déspiritualisé et a décidé d'éteindre une rare et précieuse lumière, un surgissement de beauté et de sens dans un océan de fange mercantile et convenue. Un vestige de pure émerveillement qu'il ne pouvait supporter. Dolorès nous a quitté. Paix à son âme. Elle n'était, bien sûr, ni une icône ni une héroïne, simplement une petite échappée hors de l'abjection du temps...