Que faire?
Le danger avec les « mythes » c'est qu'ils soient trop écrasants et deviennent donc purement incantatoires, trop fantasmés et donc purement folklorisés. Le mythe est un port d'attache spirituel, une source, une inspiration, une métaphore révélatrice, qui ne peut être efficient que s'il trouve des traductions ailleurs que dans la répétition psalmodique et la vénération masturbatoire.
L'urgence est, à notre époque – assez dépourvue en héros spontanés –, de répondre à la question : « Moi qui ne suis ni un Spartiate, ni un vieux Romain, ni un néo-viking, ni un Commando para, que puis-je faire ? Que dois-je faire (et ne pas faire) ? Concrètement. Quotidiennement. Comment puis-je m'inscrire, non pas dans l'hyperbole et l'auto-proclamation mais dans la banalité des jours, au sein d'une lignée issue de ces mythes dont je sens l'importance mais qui me sont si lointains... ». Et la réponse à cette question fondamentale ne peut être les habituelles, et parfois sincères et même sympathiques mais toujours pompeuses, envolées lyrico-intellectuello-fumeuses sur « chevaucher le tigre », « être fidèle à l'esprit du loup », « écouter le vent dans les arbres du destin », « être dans le monde mais pas du monde », formules aussi éculées que généralement très imparfaitement maîtrisées qui permettent surtout de ne répondre à rien et de s'autoriser à tout.
Notre temps, les nôtres, nos camarades, nous-mêmes, sommes au contraire demandeurs de règles, de devoirs, de missions, d'obligations et d'interdits. Pour nous redresser et nous tenir droit. Bien sûr, voilà qui n'est ni très satisfaisant intellectuellement ni très enthousiasmant philosophiquement mais c'est à l'image de l'état dans lequel nous sommes, du niveau auquel nous sommes tombés.
Tout est à refaire, à reconstruire, à réinventer. Petit à petit. Avec l'humilité nécessaire.
Au-delà du décalogue catholique qui offre un cadre éthique et moral général, nous avons besoin d'une sorte de néo-scoutisme sans uniforme où chacun devrait s'astreindre à des règles et des réalisations minimales pour prétendre au nom de la communauté dont il souhaite faire partie. Des serments, des obligations, des guides, des actes, des récompenses et des punitions. Libre ou non d'appartenir, mais cette appartenance veut dire quelque chose, implique des éléments concrets, quantifiables, constatables. Atteignables, raisonnables, sans hystérie ni excès, juste le minimum à suivre pour celui qui veut avoir le droit de prétendre aspirer à autre chose que la merde ambiante. Ni moine-soldat, ni Saint mystique, ni martyr révolutionnaire, juste militant. Il ne s'agirait pas non plus un guide moral étriqué et artificiel, mais d'un panel de choix que tu n'es obligé de suivre dans son intégralité mais dont tu es contraint d'appliquer certains points. Le service minimum. Que faire ? Et bien voilà, au moins ça, ou une partie de ça...
Oh, ce n'est pas glorieux ni grandiose et il est évidemment plus confortable de continuer à dire que tout est acceptable à condition de « garder l'esprit » et que l'on peut faire n'importe quoi, ou ne rien faire du tout tant que l'on « reste fidèle dans son cœur et dans son âme »... Toutes ces conneries ont mené au désert militant actuel et à la perte de nombreuses bonnes volontés qui, à force de ne pas voir de différences concrètes entre « nos milieux » et le reste du monde, ont fini par rejoindre dans un haussement d'épaules ce dernier... Qu'elles n'avaient jamais quitté d'ailleurs puisqu'elles étaient « chez nous » c'est à dire, actuellement, « nulle part »...