Les amants laids
Ils tiennent une main et considèrent que c'est déjà une chance. Ils ne sont ni las, ni blasés, il sont ardents et précautionneux, un peu empruntés... Ils n'attendent pas la meilleure occasion, la prochaine opportunité mais se délectent de l'instant arraché à une solitude qu'on leur avait promise éternelle.
Ils se réchauffent mutuellement et l'image que leur renvoie l'autre les rassure et les réconforte. Miroir déformant et enfin indulgent, l'autre est à la fois un pansement et une sublimation. Lorsqu'ils s'embrassent, leurs traits lourds et ingrats semblent se lisser, du moins se confondent-ils dans une intensité tout autant timide que fébrile qui n'est pas le sel des passions cinématographiques ni le souffre enivrant des désirs érotiques mais qui est le ciment des durables constructions. Ils se veulent du bien. Ils se regardent avec douceur et affection. Ils sont seuls face au monde qui persifle et qui ricane. Ce sont les prolétaires de la sentimentalité, ceux qui doivent travailler pour bâtir, serrer les dents et avancer.