Beppe Grillo : la fin d’une illusion ?
L’ex-humoriste Beppe Grillo avait soulevé un grand vent d’espoir en Italie avec son parti « populiste et anti-système, 5 Stelle » (5 étoiles). Accablée par l’impéritie des gouvernements successifs, de droite libérale comme de gauche, et par les récurrents scandales de corruption, une large part de l’électorat transalpin s’était rangée derrière la bannière de cet agitateur tonitruant qui promettait de « nettoyer les écuries d’Augias » et de faire face à la « submersion migratoire ».
Las, aujourd’hui, c’est le temps du bilan et des désillusions, les larges succès électoraux du parti « 5 Stelle » n’ayant abouti à aucune réforme d’envergure ni même à de quelconques améliorations de la situation des italiens qui s’enfoncent toujours plus dans le marasme de la crise économique et de la précarité sociale. Confrontés aux difficultés de la « real politique », les beaux discours du bateleur de foire se sont évaporés pour laisser apparaître la réalité d’un mouvement profondément hétérogène, sans doctrine ni colonne vertébrale idéologique, incapable de faire régner une quelconque discipline dans ses rangs et par là, de mettre en place une politique cohérente et crédible. Plus grave, dans de nombreux endroits, les élus locaux de « 5 Stelle » mènent des politiques exactement contraires aux promesses électorales de leur leader. C’est notamment le cas à Rome où le nouveau maire, Virginia Raggi, triomphalement élu (plus de 67% des voix) sur les ruines du scandale « Mafia capitale » par un électorat de plus en plus inquiet de la pression migratoire et de l’insécurité régnant dans la ville éternelle, a perdu toute crédibilité en à peine quelques mois. Le chaos règne en effet en maître dans l’équipe municipale où plusieurs proches du nouveau maire sont déjà impliqués dans des affaires de corruption et de conflits d’intérêts. Par ailleurs, Virginia Raggi ne cesse de tenir vis-à-vis de l’immigration un langage « d’accueil » et « d’intégration » totalement « politiquement correct » et en décalage complet avec les aspirations protectionnistes et patriotiques de son électorat, notamment le plus populaire, confronté directement aux conséquences de l’explosion migratoire dans la capitale. De plus, le maire, qui multiplie les réquisitions d’immeubles et l’ouverture de centres d’hébergement, n’a pas hésité, contrairement à ce qu’elle avait promis durant sa campagne, à expulser manu miltari des familles italiennes en difficultés. Une situation dénoncée par le mouvement de la droite radicale et sociale Casapound dont le vice-président Simone Di Stefano et une dizaine de militants passent actuellement en procès pour s’être opposés physiquement à ces expulsions de familles romaines. « Les italiens d’abord ! Alors que nous accueillons tous les jours de nouveaux immigrés clandestins, nous n’acceptons pas qu’une seule famille italienne se retrouve à la rue ! » a notamment déclaré Di Stefano peu avant son arrestation.
Au niveau européen, les choses ne vont guère mieux pour Beppe Grillo et ses troupes. A Bruxelles, trois députés « 5 Stelle » sont prêts à claquer la porte après la tentative d'alliance ratée avec les libéraux du groupe ADLE de l'ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt. Une tentative qui a finit de décontenancer les soutiens du leader populiste. Par ce biais, Guy Verhofstadt souhaitait obtenir l'abandon du référendum sur la sortie de l'Italie de la zone euro inscrit dans le programme du mouvement « Stelle » tandis que Beppe Grillo voyait là une possibilité d'offrir à son parti un peu de « respectabilité » (vous avez dit « dédiabolisation ? »). Une stratégie perçue par beaucoup comme une trahison, tournant même à la pure et simple débâcle, voir au grotesque, après son échec complet et la nécessité de faire amende honorable auprès des ex-alliés de l'UKIP dont on souhaitait se débarasser...
Naviguation à vue, opportunisme, guerres intestines, instabilité, compromissions … le destin de Beppe Grillo et de son parti révèle toutes les failles et faiblesses de ces « mouvements populistes spontanés », comme en il en apparait un peu partout en Europe, faits de brics et de brocs, sans ossature intellectuelle ni doctrinale, et dont on finit par se demander s'ils ne sont pas leurs meilleurs alliés du système, permettant de détourner la légitime colère et le ressentiment populaires d'un vote pour les tradtionnels partis de droite nationale et identitaire ou les mouvements véritablement radicaux.
Xavier Eman (in Présent du jeudi 19 janvier)