Tout et le contraire de tout
Parce qu’il n’est pas aussi révolutionnaire stylistiquement qu’un Céline, moins « politique » qu’un Brasillach ou un Rebatet, Montherlant est un peu le parent pauvre des « écrivains maudits »…. Ex « superstar » des lettres (on peine aujourd’hui à imaginer ses tirages et sa popularité...), il est aujourd’hui largement méconnu, à peine lu… Pourtant, Montherlant incarne, peut-être jusqu’à son paroxysme, l’esprit européen, à la fois dans son intégration du classicisme et dans sa capacité à le transcender, pour ne pas dire à le subvertir… Dernière le masque grec souvent artificiellement brandi, se cache un auteur étonnamment moderne, un écrivain du doute, de la fêlure, de l’ambivalence… Chantre de la grandeur de l’être humain, il l’est aussi de sa faiblesse, et, finalement, de l’équivalence des deux. Homme complexe, meurtri par ses démons intérieurs (qu’il ne faut ni ignorer ni sur-interpréter), Montherlant est un fabuleux révélateur de l’âme et des arcanes de celle-ci, toujours plus subtiles que ne le le voudraient les chercheurs de vérités simplistes. Montherlant est un vrai écrivain, c’est à dire qu’il n’est ni philosophe, ni militant politique, ni théologien, ni sociologue, ni psychanalyste mais un peu tout ça à la fois. C’est un extraordinaire « montreur de vie », metteur en scène d’un spectacle que l’on ne veut pas forcément découvrir et qui explique sans doute assez largement l’actuel désintérêt un peu blasé et méprisant qu’il suscite.