Elections municipales à Rome : sortir du chaos ?
Rome, ville éternelle qui fait encore rêver tous les amateurs d’histoire, d’art et d’architecture dans le monde, est pourtant en train de traverser l’une de spires crises de son histoire moderne.
En effet, le personnel politique municipal ayant été balayé par des affaires de corruption de grande ampleur (notamment le scandale « Mafia Capitale » qui a éclaboussé tous les partis du système), la capitale italienne est depuis plusieurs mois en déshérence, quasiment à l’abandon. Eclairage public défectueux voir absent dans certaines rues, ordures ménagères non ramassées, parcs et jardins non entretenus… la ville offre désormais un bien piètre visage, notamment aux touristes qui repartent choqués d’une telle dégradation. La presse internationale, et notamment américaine, s’est d’ailleurs largement fait l’écho de cet état de délabrement latent de la cité de Romulus et Remus, ce qui ne risque pas d’arranger la situation économique de la ville dont le tourisme est l’une des principales ressources. Si on l’ajoute à cela, l’afflux grandissant d’immigrés clandestins en provenance notamment de Lampedusa, la multiplication des « centres d’accueil », qu’il entraîne, et la hausse de la délinquance qui l’accompagne, l’état des lieux est aussi inquiétant que consternant. Ainsi, le quartier de la gare centrale de Termini n’a-t-il désormais pas grand-chose à envier à notre jungle calaisienne… S’y promener le soir ou même simplement traverser la nuit tombée est devenu une expérience à hauts risques.
Pour tenter de sortir de l’ornière, des élections municipales anticipées auront donc lieu en juin. Après la démission, en octobre 2015, de la majorité du conseil municipal menée par Ignazio Marino (Parti démocrate, centre-gauche), un boulevard semblait ouvert pour une reprise en main de la ville par la droite. Mais c’était sans compter sur la capacité de tergiversations et de de division de celle-ci. On assiste en effet aujourd’hui à une multiplication des candidatures, également à gauche il est vrai, mais principalement à droite.
Ainsi, Forza Italia, le parti de l’increvable Silvio Berlusconi, soutient Guido Bertolaso, l’ancien chef de la protection civile, qui, juste après son annonce de candidature, a fait des déclarations en faveur des immigrés et a exprimé sa sympathie pour son adversaire de centre-gauche. Pas vraiment le genre de discours que le peuple romain « de droite » veut entendre dans l’état actuel des choses…
Ensuite, on trouve Giorgia Meloni, ancien membre du Mouvement Social Italien, qui a initialement soutenu Bertolaso, mais s’est depuis déclarée candidate. Francesco Storace, ancien président de la région du Latium et figure du « post-fascisme », est également candidat.Quant à la Ligue du Nord, elle a décidé de soutenir Giorgia Meloni.
Enfin, le mouvement de droite radicale et sociale Casapound, présentera également un candidat en la personne de Simone di Stefano, comptant sur son travail quotidien aux côtés des citoyens romains, notamment face à l’afflux migratoire, pour jouer les trublions dans ce scrutin.
Un paysage politique passablement morcelé donc, qui laisse toutes les portes ouvertes quant à l’issue d’une élection qui se jouera sans doute dans les coulisses, par des accords entre partis de centre-droit. Des « arrangements » entre amis qui non pas grand-chose à voir avec le grand coup de balai et de renouveau politique dont la ville a clairement besoin. Quoiqu’il en soit, celui qui se retrouvera à la tête de la majorité municipale aura d’imposants chantiers devant lui et pas de droit à l’erreur, sous peine de voir la Cité antique s’enfoncer un peu plus dans une tragique et mortifère tiers-mondisation. D’ailleurs certains commentateurs n’hésitent pas à dire qu’aucun candidat n’est véritablement pressé et enthousiaste à l’idée de récupérer ce cadeau empoisonné.
Xavier Eman (in Présent du 14 avril 2016)