Cendres
« D’un mois sur l’autre, il était devenu une toute autre personne. Cet âge où l’étudiant fier d’avoir des idées vire sa cuti pour s’installer dans l’âge d’homme servile, qu’il est laid… Je voyais autour de moi, succombant à cette peste, les meilleures de mes connaissances rentrer dans le rang, replier leurs idéaux comme des tentes qu’on démonte. Leurs colères s’espaçaient. Leurs rires, leurs moqueries, ils les rangeaient dans une armoire, entre deux boules de naphtaline. Ils mettaient de l’eau dans le vin que nous avions bu ensemble à la santé de l’impossible. Je les ai vus s’engouffrer diplôme en main comme la fleur au fusil, sous le porche des plus grandes sociétés. Je les savais s’épier désormais, se jalouser, ouvrant des trappes pour les canards boiteux, se dépassant, se surpassant. Et quand Damien bascula de l’autre côté, avec le plus grand naturel… »
Eric Faye, « Les cendres de mon avenir », Editions Stock