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A moy que chault!

Aux armes citoyens!

19 Février 2016, 21:07pm

Publié par amoyquechault.over-blog.com

« Les politiques, tous des pourris, tous des voleurs ! ». C’est Jeannot - 25 ans de SNCF, 10 de détachement syndical, 2 de congé maladie et 8 mois de grève - qui gueulait ça au comptoir. Face à lui, derrière le zinc, Jean-Mich - 30 ans de bistrot, 25 de double comptabilité et 2 employés clandestins payés un demi smig - acquiesçait avec gravité. « Le problème, c’est que y’a plus de moralité… » renchérissait Bibiche, 18 ans de tapin, trois avortements. A l’angle du comptoir, derrière le paravent de son journal déplié, Louis Armand - 12 ans de trading, 9 d’évasion fiscale - ne pouvait s’abaisser à participer à ce tumulte populacier mais n’en pensait pas moins. Solidaire mais distant, il opinait nerveusement du menton.

Le pays réel était au bord de la révolte et n’hésitait désormais plus à dénoncer vertement ce pays légal qui n’était pas à la hauteur de ses aspirations.

« C’est comme l’immigration, on finira par en crever ! » s’exclama alors Stéphanie, qui aurait bien participé davantage au débat naissant mais qui devait malheureusement s’empresser de finir son thé pour aller récupérer la petite dernière chez la nounou gabonaise (une femme très bien, presque sans accent, avec d’excellentes valeurs…). Mohammed était d’ailleurs assez d’accord avec Stéphanie. « L’immigration c’est bien joli, mais si c’est pour nous interdire de picoler et d’aller en boîte de nuit, non merci ! » affirma-t-il, soutenu dans sa prise de position par Raymond qui l’employait au noir depuis 5 ans dans sa boite de construction « parce qu’il faut bien s’en sortir, quoi, merde aussi… ».

L’ambiance était orageuse. Pastis 1789.

« Je n’aime pas parler de politique mais c’est vrai que ce sont quand même des enculés, prêts à tout… ». Là, c’est Francis, agent immobilier vidant un café crème dans l’attente d’un client à qui il devait faire visiter une mansarde de 18 mètres carrés à 900 euros par mois + les charges, qui intervenait vigoureusement. Ca chauffait grave. Il n’y avait guère que Véronique, l’étudiante en lettres, perdue dans un vieux 10/18 dont on ne parvenait à lire le titre mais qu’on imaginait être un Modiano ou une autre connerie du genre, qui n’avait pas encore pris la parole. On la scrutait, la questionnait presque du regard. Après quelques instants de gêne, elle déposa son livre corné au centre du guéridon de faux marbre, et déclara d’une voix à peine audible que « c’était peut être que la démocratie représentative avait trop bien atteint le but qui lui était confié ».

Après quelques secondes de silence interloqué, on haussa les épaules, on resservit les verres et on se remit à gueuler.