Un fils
Entendre un homme qui se tient debout, un homme qui ressemble grosso modo à ce qu'étaient nos grand-pères et leurs pères avant eux, un homme carré, honnête, un homme qui devrait être la norme mais qui est devenu l'exception, dire « mon fils » en posant la main sur la joue d'un jeune garçon plein de respect et d'admiration pour son papa, est un instant rare et émouvant. La « transmission », la « lignée », « l'héritage », « la race » et autres pompeux concepts quittent alors les nuées livresques et les hauteurs brumeuses des péroraisons intellectuelles et des envolées lyriques pour s'incarner, se révéler dans leur humble et formidable réalité. Tous les cynismes s'effondrent, la pourriture du monde s'éloigne, le dégoût est suspendu. Il n'y a plus que ce geste ancestral et ces deux mots éternels, « Mon fils » qui fondent tous les possibles d'un avenir incertain mais en cette seconde étonnement lumineux.