Davaï!
Marcher à livre ouvert...
Patrick Wagner n'a pas pour seule qualité d'être le vénéré – et bien aimé – directeur de la publication de notre chère revue « Livr'arbitres », c'est aussi un grand voyageur, un grand marcheur qui aime arpenter les routes et sentiers du monde, seul ou accompagné, à la découverte des dernières splendeurs et beautés qui n'ont pas encore été souillées par le tourisme de masse ou arasées par le néo-colonialisme occidentalo-mercantile. Plus particulièrement attiré par l'est de la planisphère, Patrick Wagner nous offre ici – pour son premier ouvrage – le récit de ses pérégrinations du lac Baïkal aux plages de Ko Chang, à la rencontre des choses et des gens au gré d'un itinéraire buissonnier. Ni exploit sportif, ni fuite mystique, le voyage selon Patrick Wagner est la confrontation d'un homme qui sait d'où il vient, enraciné dans sa Moselle natale, avec l'altérité, la fascinante richesse d'une civilisation ensorcelante, à la fois profondément étrangère mais pleine des échos d'un passé commun d'aventures, de combats, d'expéditions guerrières, de récits épiques, de visions fantasmées... Les yeux plantés dans le ciel, une citation littéraire sans cesse à l'esprit, Patrick Wagner marche sur les pages des livres qui l'ont fait rêver de cette mystérieuse Asie.
« J'ai fait un rêve. Traverser les grandes steppes mongoles, rejoindre l'Empire du Milieu et aboutir en Indochine pour y remonter le fleuve Mékong et suivre la route mandarine. Rêve éveillé, sous le galop de Michel Strogoff à la rencontre du baron Ungern Sternberg. De Jules Verne à Hugo Pratt, en compagnie de soldats de l'imaginaire, Francis Garnier, Pierre Loti ou André Malraux. Je ne sais où cela me mènera, mais il me faut lever l'ancre, me mettre à la proue du bateau de la vie et ouvrir les yeux. Rejoindre le rêve, la fiction par l'action. Vivre à livre ouvert. » .
C'est la concrétisation de ce rêve que l'auteur nous invite à découvrir, à ses côtés, nous emportant dans son sac de voyage, au fil des anecdotes, des descriptions enchanteresses, des péripéties souvent drolatiques, mais aussi parfois des déceptions et des réflexions acerbes sur les ravages de la modernité ou la laideur du tourisme contemporain.
Une invitation au voyage généreux et intelligent, curieux et discret, loin des bungalows aseptisés des « clubs » et des itinéraires obligatoires pour groupes de bovins. Une lecture tout à fait de circonstances à quelques semaines des grandes transhumances estivales.
Xavier Eman (in Présent du samedi 20 juin 2015)
« Davaï ! Du lac Baïkal aux plages de Ko Chang », Patrick Wagner, Editions des Paraiges, 212p, 18 euros. http://www.editions-des-paraiges.eu/