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A moy que chault!

La joie de servir

18 Mars 2015, 23:11pm

Publié par amoyquechault.over-blog.com

De la même façon qu'éplucher des patates n'est plus une corvée lorsqu'il ne s'agit plus de nourrir des inconnus ou des indifférents mais des camarades, la servitude n'est pas une chaîne mais une libération lorsque celle-ci est consciemment choisie.

Les tâches les plus humbles, les plus prosaïques, les plus ingrates même, deviennent douces et sapides dès lors qu'elles prennent un sens, qu'elles s'inscrivent dans un effort collectif, tendent vers un but qui, bien que modeste, participe d'une conception haute de partage, de construction.

S'abandonner à autre chose qu'à la passion de soi-même, s'oublier dans une idée, un idéal, une volonté, une communauté, voilà le remède – sans doute le seul – à la sinistrose et à cette lèpre occidentale qu'est la dépression, la réponse à ses mines toujours fermées et blasées, à ses moues épuisées, à ses mélopées plaintives et geignardes qui composent l'entêtant fond sonore d'une époque trop nourrie et trop confortable. Mécontente de son job, mécontente de son couple, mécontente du temps qu'il fait, l'armada des sales gueules renfrognées s'offusque que son existence égoïste, auto-centrée, passionnément narcissique, ne soit pas à la hauteur de ses rêves chimériques et se perd alors dans l'aigreur, le ragot, la méchanceté et l'agitation mondaine, cette ersatz d'importance, ce simulacre de pouvoir. Mais on n'est jamais que ce que l'on donne, et c'est pourquoi nous croisons tant de gens sans consistance ni intérêt, ectoplasmes humanoïdes, qui ne veulent, ne savent, que recevoir et exiger et ne tiennent debout, où à moitié, que par la force hystérique des pulsions de leur ego, entretenu à grands coups de pilules pharmaceutiques et autres drogues diverses. Mais il ne sont qu'eux, c'est à dire si peu de choses, presque rien. Ils ne s'inscrivent plus dans aucune lignée, dans aucun projet collectif, dans aucun grand récit, dans aucune transcendance, et se noient donc dans la contemplation de leur nombril, s'écrasant contre le mur de leur médiocrité et l'impasse d'une solitude hargneuse que seuls les plus grands artistes, parviennent, parfois, à dépasser, au prix, toujours, d'insondables souffrances.

Servir n'est pas qu'un sacrifice, c'est aussi une grande joie, un honneur et une force. Une fois dépassés l'effort, la petite souffrance de la rupture avec la facilité cotonneuse, avec la peur, avec la suffisance, quelle enivrante nourriture que celle du don ! Y compris – ou peut-être surtout – le don discret, anonyme, méconnu, qui ne fait de nous qu'une pierre d'un immense, improbable et sublime, édifice. Tant que nous n'aurons pas tout donné, nous n'aurons rien essayé.