Gargouilles
J'ai toujours eu une répulsion toute particulière pour ces plus ou moins jeunes gens qui, ivres ou drogués, se prennent, du fond des bars et les caves qu'ils fréquentent avec assiduité, pour les sauveurs de la littérature et les dernières vigies du bon goût et du sens esthétique. Eux ne sont même pas des êtres humains à moitié convenables mais ils se permettent de jauger des œuvres et des réalisations des grands créateurs, avec une morgue généralement proportionnelle à leur propre insignifiance. Ils font des hiérarchies, donnent des bons et des mauvais points, commentent, persiflent, ricanent, ce qui est évidemment leur droit (tout le monde a désormais le droit le tout...) et serait même presque supportable s'ils avaient au moins une vague conscience du pathétique et du ridicule de leur morgue postillonnante. Mais autant ils sont redoutables d'ironie et de sarcasmes sur les autres, autant ils n'ont aucun second degré sur eux-mêmes. Ce sont des pitres très sérieux.