Le premier qui aime perd.
Si l'amour est un combat, il diffère au moins de la bagarre de rue sur un point essentiel. Dans la confrontation urbaine il est impérieux de frapper le premier, en amour il convient au contraire d'esquiver, d'attendre, de laisser venir. C'est l'art de l'évitement, de l'esquive. Laisser l'autre s'épuiser, donc se découvrir, pour le tenir ensuite à sa merci et le piétiner. Il n'y a pas de relation amoureuse duale sans hiérarchie et celui qui ne veut pas trop souffrir doit être celui qui aime un peu moins, ou, dans le pire des cas, qui feint le mieux de moins aimer. Cela autorise ensuite ces éternels discours post-relation : « Il (Elle) était dingue de moi, de mon côté je l'aimais bien... », « Il (Elle) était carrément plus impliqué(e) » ou « Je me demande bien ce que je faisais avec lui (elle)... », propos un peu misérables bien sûr, assez indignes, évidemment, mais tellement réconfortants pour l'ego et plaisants pour l'image sociale (à condition d'être entouré de crétins complaisants et de fats intéressés, ce qui est généralement le cas...). L'amour est une guerre de positions où celui qui part prématurément à l'assaut est immanquablement fauché par la mitrailleuse lourde de la déception, du quotidien et de la banalisation.
Pour espérer être aimé, il faut être perpétuellement désiré, et donc feindre éternellement la distance, la semi-indifférence, le désintérêt voir un vague mépris plus ou moins hautain.