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Il y a peut-être un confort au pessimisme et à la mélancolie, une excuse pour la fuite et le renoncement . Mais c'est une aisance rarement choisie et souvent chère payée. Voir toujours les coutures et doublures des costumes les mieux taillés, sentir l'ironie sourdre derrière les plus belles paroles, connaître à l'avance l'échec de toute tentative, avoir envie de fondre en larmes quand tout le monde rit et s'esclaffe autour de soi, devoir mimer l'enthousiasme qu'on ne ressent plus, continuer plus par lâcheté que par envie, ce n'est pas un projet ni une posture. C'est une fatalité. Certains, pour échapper à cela, décident de vivre toute leur existence sous « médicaments », acceptant de confier leur cerveau au contrôle tyrannique des antidépresseurs ou des anxiolithiques, d'autres se jettent par la fenêtre, boivent ou écrivent... Ce sont des faibles, sans doute, encouragés dans leurs travers par une époque hédoniste et superficielle au sein de laquelle ils sont une erreur de casting. Souvent, ils n'ont rien à nous dire, obnubilés par la contemplation de leur nombril et la description infinie de leurs affres. Incapables de se détacher d'eux-mêmes, ils deviennent ennuyeux même pour leurs meilleurs amis. Mais parfois, leur sensibilité exacerbée et vaine produit des bribes de beauté qu'une âme enjouée et heureuse, trop occupée à vivre, n'aurait pu concevoir. On les appelle alors des artistes. C''est pourquoi, bien que la perspective soit tentante, il ne faut pas euthanasier tous les dépressifs.