Un prélude à l'enfer
Passant aux abords de la Porte de Clignancourt et de son « marché aux puces » à mi chemin entre Bamako et Blade Runner, j'aimerai beaucoup que l'une de ces salopes de bobos bien pensants m'explique en quoi cet étalage de misère crépusculaire est un « enrichissement mutuel », une « chance » et une « opportunité » pour qui que ce soit. Des nègres à quatre pattes vendant des demies paires de chaussures, des bouts de ferraille et des souvenirs de lampes repêchés dans les poubelles des bourgeois, tentant d'extorquer deux ou trois sous à d'autres puent-la-sueur entassant leurs précieuses acquisitions dans des sacs Tati... c'est quoi exactement l'idée, le concept, le projet ? La prolifération d'un lumpen prolétariat déraciné pourrissant le quotidien et l'environnement d'une population autochtone en voie de précarisation ? La création des conditions d'un chaos civil et d'une guerre entre pauvres assurant la prorogation du règne des nantis accapareurs qui chantent les louanges de ce crime contre les identités et les peuples ?
Mais non, encore une fois, c'est moi qui n'ai rien compris. Si les immigrés et les clandos sont contraints de vivre comme des crevards, armée d'ombres aussi pathétiques qu'inquiétantes, c'est à cause du racisme et de la xénophobie de la société française, sans cela ils seraient tous ingénieurs en astrophysique, professeurs de lettres ou banquiers vivant dans de confortable lofts du 17e arrondissement.