Ecrire
Il aurait bien voulu dire des choses subtiles et profondes dans une langue délicate et raffinée. Mais l'époque ne s'y prêtait pas. Le temps exigeait les éruptions, les hurlements, les vociférations, les exagérations, les cruautés, les emphases et les outrances. Dans un monde dans le coma, en état de mort cérébrale et bientôt physique, on ne fait pas de la poésie parnassienne. Certains disaient évidemment l'inverse, qu'il fallait tout au contraire entretenir la préciosité et l'afféterie dans les catacombes du bon goût, être le dernier carré des esthètes au milieu des ruines, continuer, tels des coqs les deux pattes dans le fumier, à lancer de doux chants vers le ciel. Ceux-là, il les entendait, mais il ne les comprenait pas, ne les comprenait plus. Le néo-gongorisme planant à mille lieues au dessus de la plèbe méprisée ne l'intéressait pas. Il avait toujours conçu la littérature comme une lutte plus que comme un exercice de style, davantage comme le foyer incandescent où se mêlent histoire, politique, psychologie et philosophie et d'où naissent passions, révoltes et révolutions que comme la marmite où macèrent les élégances, les techniques et les affectations et d'où ne s'échappent jamais que les fumets adipeux de l'apparat et de l'egotisme.