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A moy que chault!

« Sérotonine » : un Houellebecq petits bras…

28 Février 2019, 12:45pm

Publié par amoyquechault.over-blog.com

Les contempteurs de Michel Houellebecq se plaisent à dire qu’il « raconte toujours les mêmes choses, la même histoire ». C’est assez vrai, mais il n’y a que les imbéciles et les amateurs de séries Netflix pour penser qu’un bon roman est forcément un roman « original », avec une intrigue « novatrice » et un « suspense » palpitant. Houellebecq est le médecin légiste de notre époque libérale post-moderne et, depuis 1994, il égrène des rapports d’autopsie, forcément implacables mais parfois répétitifs, rien ne changeant vraiment au sein de notre chaos, si ce n’est l’épaisseur des amas de ruines. Le grand talent de Houellebecq est de parvenir à tirer d’un si pauvre et âpre matériau des œuvres sensibles, profondes, éclairantes, de réussir à produire de la réflexion et de l’émotion à partir de l’observation du néant… Il y parvient génialement dans ce chef d’œuvre absolu qu’est « Extension du domaine de la lutte », il n’y arrive que par (rares) intermittences dans son dernier opus qui apparaît d’ailleurs comme un écho très atténué de cet exceptionnel premier roman, irruption hargneusement grandiose dans le monde littéraire.

En effet, autant la vie pathétique et le destin tragique du héros et – plus encore peut-être- celle de Raphaël Tisserand étaient poignantes et même déchirantes, permettant de décrypter les rouages et mécanismes de la logique libérale s’appliquant désormais à tous les domaines de l’existence, jusqu’aux plus intimes, autant le quotidien, tout aussi pitoyable, de Florent-Claude Labrouste peine à susciter l’empathie voire simplement l’intérêt. Entre les deux romans, on passe d’un enfant perdu de la marchandisation du monde à un enfant gâté – dans tous les sens du terme - de celle-ci, et on ne gagne pas au change… Car le personnage principal de « Sérotonine » fait plutôt partie des « gagnants de la mondialisation », il n’est pas un brave type déchu sacrifié sur l’autel du Moloch libéral, mais un simple « pauvre type » dépressif, insatisfait, lâche et veule. S’il est une « victime », il ne l’est que de lui-même, de ses insuffisances et de ses manques. On ne parvient ainsi pas le moins du monde à être touché par le malheur de ce personnage qui semble s’être lui-même volontairement autodétruit, sans le moindre panache qui plus est. S’il a perdu son « grand amour », c’est qu’il l’a trompé, baisant le premier petit cul passant à sa portée… S’il a gâché sa première véritable relation, c’est par manque d’énergie… Banalité et médiocrité… Pas de quoi faire un roman… Résultat : on s’ennuie assez ferme à suivre la lente déréliction de cet antipathique antihéros que rien, vraiment rien, ne vient sauver ou transcender. On retiendra cependant les pages consacrées au drame de la paysannerie française - au travers du personnage d’Aymeric d’Harcourt-Olonde, aristocrate idéaliste reconverti dans l’agriculture et peu à peu abandonné de tous-, seuls instants où le récit se teinte légèrement d’humanité et où le regard s’élève un peu au-dessus du nombril (et de la bite) du narrateur.

Au final, « Sérotonine », c’est un peu comme un disque de « Fauve », on est séduit par les deux premiers morceaux, puis, au fur et à mesure que se déroule l’album, on sent monter en soi l’irrésistible envie de gifler ces petits pleurnichards plaintifs, torturés par des micro-problèmes sentimentalo-existentiels d’occidentaux trop nourris…